Le Film de mon père

Jules Guarneri a grandi à « La Belle Poule », vaste propriété familiale sise sur les hauteurs de Villars et portant le surnom de sa mère décédée quand il avait vingt ans, avec Oskar, son frère, qui parle aux esprits en prenant son bain, Iwa, sa sœur, éternelle déracinée, tous deux adoptés en Colombie ; Pura, la fidèle gouvernante qui s'occupe de l'intendance ; le fantôme de Cristabel dont les photos plus ou moins dénudées ornent la chambre de Jean qui a mené une vie oisive aux côtés de son héritière d'épouse. Le pater familias, dilettante, mais soucieux de garder une forme de contrôle sur ses trois enfants, offre à Jules, un chalet...et plus de vingt heures de journal filmé. Un cadeau un peu encombrant dont s'empare le « filmographe » et qu'il va faire résonner avec ses propres images. Le Film de mon père ne le sera finalement pas tant que ça, le fils portant un regard empathique et réflexif sur cette matière familiale un peu névrotique, qu'il se réapproprie et cisèle sur le banc de montage. À travers les plans récurrents du cinéaste au travail, se dessinent le meurtre symbolique du père et un chemin émancipateur. 

Emmanuel Chicon