L’îlot

Dans cette oasis, que n'aurait pas reniée Bachelard, murmurent les voix de l'eau vive et de la faune, telle une fantasmagorie primordiale et édénique que contemplent deux « êtres de la forêt ». Le film glisse alors vers une sorte d'enquête où l'on évoque une légende : il y aurait de l'or dans la Vuachère, la rivière coulant pour ainsi dire au pied des Faverges, un quartier périphérique de Lausanne où ont poussé des immeubles fonctionnels abritant des retraité·e·s et des familles immigrées. Pour une raison inconnue, ce cours d'eau paisible doit être « sécurisé » le temps d'un été par deux vigiles : Daniel, Congolais jovial et débonnaire, un brin paternaliste et son collègue Ammar, réservé et débutant le métier. Au cours de leurs rondes absurdes, aux accents de comédie – en écho à d'autres duos improbables de films de fiction – une amitié se construit, tandis que se dessine un territoire bigarré, bordé par ce mystérieux Îlot de verdure, un « trou » aux confins de la civilisation. Tizian Büchi signe une brillante fable documentaire teintée de réalisme magique qui interroge subtilement la société de surveillance. 

Emmanuel Chicon